Parrainages de promotion
ECN 2021 – Pr. Sylvie Odent

ECN 2020
ECN 2019 – Pr. Annick Toutain

ECN 2018 – Pr. Sylvie Manouvrier

ECN 2017 – Dr. Sandra Mercier

ECN 2016 – Pr. David Geneviève
Parrain de la promotion ECN 2016 des internes en génétique de France
Portrait du Professeur David Geneviève
Benjamin d’une famille de 3 garçons, externe des Hôpitaux de Lyon, il débute son internat aux Hôpitaux de Paris en 1997 et décide de s’inscrire parmi les premières promotions du DES 48 de Génétique Médicale. Il s’implique dans la formation des internes en étant co-fondateur et secrétaire de notre présente SIGF. Il se forme aux maladies osseuses constitutionnelles sur lesquelles il réalise sa thèse de médecine et aux maladies musculaires au travers du DIU de myologie de Paris. En 2002 il est lauréat de la faculté de médecine Necker et y débute un clinicat en Génétique Clinique. Il met ensuite une pause à ses activités hospitalières et réalise une thèse de sciences sur les mécanismes moléculaires et cellulaires des maladies ostéocondensantes.
Auteur de plus de 85 publications, docteur en sciences en 2008, il est nommé MCU-PH puis professeur de médecine à la faculté de Montpellier en 2012. Humain et clinicien, il s’investit dans les associations de patients et notamment pour les patients atteints du syndrome Kabuki.
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Pr Geneviève, pourquoi avez vous décidé de devenir généticien ?
Depuis mes premiers cours de sciences naturelles (ex- SVT) la biologie et le vivant me passionne. Comprendre comment est construit le corps, quels sont les mécanismes qui permettent son développement… Figurez vous que tout cela est contrôlé par la génétique !
Une rencontre décisive avec le Pr. Jacques Michel Robert, professeur de génétique et spécialiste du développement embryonnaire me l’a fait comprendre. Sa manière de nous décrire, par exemple, la segmentation des drosophiles savamment orchestrée par les processus génétiques m’a marqué. Je voulais faire de la recherche au départ mais la relation avec autrui, rendre service, faisait parti de mes convictions premières pour réaliser mes études de médecine. Une autre rencontre déterminante fut pendant mon 2eme semestre d’internat à l’hôpital Robert Debré avec le Dr Clarisse Baumann, qui m’a transmis sa passion de la clinique et son sens aigu du compagnonnage. La génétique enseignée par les professeurs de biochimie est si éloignée de la réalité clinique. J’ai découvert la nécessité d’un lien direct entre le monde du vivant et les notions théoriques via la génétique clinique. Je voulais décrypter les mécanismes moléculaires des maladies rares, renouveler en permanence mes connaissances au service de mes patients.
Quel est votre rôle en tant que généticien clinicien ?
Nous avons un rôle diagnostique, afin d’apporter une explication et arrêter la difficile errance diagnostique pour les patients et leurs parents. Nous nous efforçons d’apporter un diagnostic de précision selon l’état actuel des connaissances pour éclairer leurs interrogations (notamment celles qu’ils n’osent parfois pas poser). Qu’est ce qui s’est passé ? Vais-je le transmettre ? Comment faire pour l’éviter à mes futurs enfants ? Que pouvons nous faire ? Existe t’il un traitement ? Voici des questions auxquelles nous avons à répondre au quotidien.
Nous sommes confrontés à des patients ayant des souffrances importantes, des situations difficiles pour les familles. La composante héréditaire des maladies génétiques nous amène à entrer dans leur sphère familiale intime au travers de nos arbres généalogiques. Je me rappelle d’un avis en salle en néonatalogie avec un couple et leur enfant. La mère refusait un prélèvement sanguin pour des explorations génétiques et j’insistais pour le bien de leur fils. Finalement la femme est venue me voir discrètement en me révélant que le père n’était possiblement pas le père… car elle avait des problèmes de fertilité et avait souhaité maximiser ses chances. Je lui ai expliqué la possibilité d’une mutation de novo qui pouvait être la cause de la maladie que présentait son fils et elle a fini par accepter à la suite de notre entretien. Mais finalement les résultats des examens ont révélé que le père était bien le père !
Nous avons également un rôle prépondérant dans l’accompagnement médico-social et la coordination de la prise en charge multidisciplinaire des patients, notamment atteint de maladies génétiques à début pédiatrique. Nous prenons en charge des patients avec des degrés d’autonomie variable à tous les âges de la vie, ce qui permet une absence de rupture de soins dans la transition enfant adulte. La prise en charge commence par de la prévention et de l’éducation thérapeutique face aux futurs obstacles de la vie, selon les connaissances sur la maladie. Prévoir de la rééducation, planifier une surveillance des complications à venir, soigner passe aussi par la prévention. Aussi la pharmacopée commence à s’étoffer, notamment dans le cancer, des traitements personnalisés ciblés selon les particularités génétiques des patients voient le jour. Nous pouvons aussi accompagner la préconception des couples via le diagnostic préimplantatoire et le diagnostic prénatal pour éviter un drame familial.
Enfin la démarche scientifique et la recherche font partie intégrante de la vie du généticien, afin d’améliorer la connaissance de la maladie et d’améliorer les prises en charge. Au quotidien, nous prescrivons des examens pangénomiques (panel, exome, génome) et nous participons à l’effort de la découverte de nouvelles maladies. Le généticien décloisonne les symptômes et la maladie du patient. Être au contact des patients et des associations de patients, faire confiance aux patients et être à l’écoute de leurs retours permettent de contribuer à l’avancée de la connaissance des maladies. En développant ses propres projets au sein du CHU, il est possible de débloquer des financements pour aller plus loin.
Quel est votre vision de la génétique de demain ?
Ce qui est sûr, c’est qu’il me paraît impossible de voir un futur sans la génétique ! Ce futur est encore flou, mais je vais essayer de me livrer pour vous au jeu des prédictions sur la génétique démocratisée à la population générale. Si la prescription génétique n’est plus médicale comme aux Etats Unis, la possibilité de séquencer son statut porteur hétérozygote de variants pathogènes de maladies génétiques récessive (carrier screening) pourrait amener à la création d’un “genebook”, un facebook de la compatibilité génétique. En Israël il existe déjà des « marieuses » qui réalisent ce travail. Allons-nous généraliser cela ? La société va-t-elle accepter de réaliser un dépistage prénatal ou un dépistage préimplantatoire pour ces couples? Amazon va-t-il finir par vous proposer des traitements automatiquement ? Les assurances vont elle avoir l’accès à nos données génétiques ? Les dérives sont possibles et ces questions éthiques font parties de nos réflexions actuelles.
Cependant nous ne sommes pas encore prêt à interpréter tous les variants de ces « carrier screening », ce qui peut entraîner des incompréhensions vis à vis du public si les conseils génétique sont mal réalisés… La génétique pour le grand public peut être périlleuse si nous ne faisons pas cela comme il faut. Néanmoins il y a une demande très forte des patients via la vulgarisation scientifique, ce qui est lu sur internet, un engouement du grand public pour ce qu’ils ne connaissent pas d’eux même. L’objectif est un diagnostic de précision pour tout un chacun.
Quelle est votre vision pour les internes en génétique de demain ?
Tout d’abord, faut-il continuer à passer en laboratoire ? Oui bien sur ! Le laboratoire fait parti de notre spécialité et il est très important de comprendre réellement les examens que nous prescrivons tous les jours en clinique. C’est ce qui nous différencie des spécialistes d’organe ! Une autre différence avec le spécialiste d’organe est la double approche diagnostique : “genotype-first” avec le “phenotype-first”. Le spécialiste d’organe est très fort dans le “phenotype first” s’il existe un symptôme leader parce qu’il se concentre sur les symptômes qu’il connait. En plus du “phenotype first”, le généticien est aussi un expert pour partir de variants génétiques potentiellement pathogènes et de réaliser un “reverse phenotyping” pour trouver un diagnostic auquel le spécialiste d’organe n’aurait pas pensé.
Est-ce que le spécialiste d’organe sur-spécialisé en génétique peut organiser la prise en charge globale des patients ? Peut être. Peut-il expliquer les résultats des examens de génétique qu’il prescrit ? Notamment un exome, voir même prochainement un génome ? J’en doute, notamment les résultats impliquant une autre spécialité que la sienne … Par conséquent, faut-il s’orienter vers une médecine avec un spécialiste ayant des connaissances transversales ou un tandem spécialiste-généticien ? Faut-il des consultations en binôme ou doit-il y avoir un “référent expert” d’organe ? Quand est-il du conseil génétique des familles que voit le spécialiste d’organe ? A-t-il des connaissances solides en génétique pour prescrire et rendre correctement des résultats parfois compliqués avec leur limite technique biologique et bioinformatique ? On en revient toujours aux mêmes questions et aux mêmes problématiques !
Alors, je ne sais pas quel sera l’avenir de la génétique pour demain et quel rôle les jeunes internes devront jouer. Allez voir Madame Irma pour avoir des réponses à ces questions ! Ce qui est sûr c’est que le besoin est présent ! Mais comment y répondre ? Personnellement, je pense que le généticien doit avoir sa place dans un groupe de spécialiste d’organe, il peut être le fil d’Ariane de la prise en charge du patient en étant le relais entre les spécialistes d’organe et le laboratoire. Il ne peut y avoir qu’un enrichissement mutuel de ce type de regroupement. Je pense que les doyens sont conscients qu’ils doivent organiser la génétique d’organe.
Et en ce qui concerne la bioinformatique ? Le généticien doit être là pour donner des orientations et un but aux bio-informaticiens. Le clinicien participe au tri de l’immensité des datas issu du séquençage haut débit par les informations cliniques qui orientent les recherches.
Enfin se pose le problème de la prescription des examens génétiques. En effet, aujourd’hui qui peut prescrire ? Dans la loi, n’importe quel médecin a le droit de prescrire des examens à visée génétique, à condition qu’il soit capable de les comprendre et de les rendre au patient. Nous savons bien qu’une formation est indispensable pour comprendre les analyses. Mais en pratique, le spécialiste d’organe ne s’imagine pas l’étendue des résultats possibles : la signification d’un résultat négatif, les VOUS, les statuts d’hétérozygote, les découvertes secondaires (aussi parfois appelé « incidentalome ») avec le problème de l’impact familial de ces résultats inattendus. Actuellement pour la majorité des cliniciens non formés au séquençage nouvelle génération, il n’y a que deux possibilités, soit c’est positif pour la question primaire, soit c’est négatif, donc non génétique. Le spécialiste d’organe n’est aujourd’hui pas assez bien formé pour répondre à toute la problématique des résultats d’exome. Ils auront besoin d’un généticien, qui a les connaissances nécessaires par sa formation au sein du DES. De même, peu de médecins se rendent compte de l’implication juridique du rendu des résultats des examens de génétique, par rapport au consentement éclairé et par rapport à l’aspect familial.
En bref, les gens ne s’imaginent pas l’étendue des problématiques associées à l’arrivée des examens génétiques de nouvelle génération.
Quelles sont les sujets qui vous passionnent actuellement Professeur Geneviève ?
Pleins de thèmes me passionnent ! En ce moment ce qui me passionne le plus dans la génétique, c’est le démembrement des maladies dite “complexes”, la physiopathologie des troubles neuropsychiatriques (tests psychométriques), le démembrement des symptômes des maladies rares. Comprendre les mécanismes génétiques de l’expressivité variable des symptômes pour pouvoir donner des réponses pronostiques pour le patient, ça aussi c’est passionnant. Comme nous avons eu besoin dans l’histoire de la médecine d’autopsie pour comprendre l’anatomie, nous avons besoin de continuer d’étudier l’ADN pour en comprendre les symptômes.
Pouvez vous nous en dire plus sur ces “maladies complexes” ?
Les maladies complexes sont une vue de l’esprit. Pour avancer dans la connaissance des maladies, on a conceptualisé un certain nombre de symptômes. Par exemple, la douleur articulaire inflammatoire est un symptôme de l’arthrite inflammatoire. Lorsque l’on rajoute un contexte auto-immun, on pose le diagnostic d’arthrite rhumatoïde. Mais avec l’avènement de la génétique, on peut dire que la polyarthrite rhumatoïde n’est qu’un symptôme, au même titre qu’une fièvre. Bien sûr, cela ne plaît pas du tout aux spécialistes d’organe, qu’on leur dise que leurs maladies ne sont en fait que des symptômes de syndrome génétique souvent monogénique… On avait tendance en effet à dire “maladie complexe” lorsque l’on ne connaissait pas l’étiologie fine. Mais ce n’est pas un diagnostic de précision. Nous avons confondu les diagnostics avec des symptômes d’une même maladie à expressivité variable. Et puis, il faut prendre en compte la dimension familiale. Il est donc important de continuer de démembrer pour comprendre ce qui ce passe vraiment, afin de proposer un traitement adapté, avec les examens d’aujourd’hui, l’exome puis le génome.
Pour finir Pr. Geneviève, vous auriez une petite blague de généticien pour nous ?
Vous connaissez l’histoire du missionnaire en Afrique?
C’est l’histoire d’un missionnaire blanc dans un village au fin fond de l’Afrique noire. C’est le seul homme blanc à des kilomètres à la ronde. Un jour, dans le village, la fille du chef de tribu accouche d’un enfant totalement blanc. Le chef est donc furieux et va voir le missionnaire blanc…
– Le chef de la tribu : “Qu’est ce que tu as fait avec ma fille ? Tu as couché avec elle ? Je vais te tuer ! A cause de toi, j’ai un petit-fils blanc ! Tu as déshonoré ma fille!”
– Le missionnaire : “Non, je n’ai rien fait. Je n’ai pas couché avec ta fille. Ce n’est pas de ma faute!”
– Le chef de la tribu : “Si, c’est de ta faute. Viens ici, je vais te faire brûler vif!”
– Le missionnaire : “Non, attends. Je vais t’expliquer. Ton petit-fils est albinos.”
– Le chef de la tribu : “Albinos ? Tu t’fous de ma gueule? Tu m’insultes en plus !”
– Le missionnaire : “Si, je vais t’expliquer. Tu vois de temps en temps, dans ton troupeau de moutons blancs, il y a un agneau noir qui nait. C’est un défaut génétique. Une anomalie qui apparaît chez un individu. C’est comme ça, c’est la nature.”
– Le chef de la tribu : “Ahh Ok, j’ai compris,….pause…. tu ne dis rien pour les moutons, je ne dis rien pour ma fille !”